Carte sensible,
Dessin et texte, coup de coeur du concours de cartographie sensible dans le cadre des Nuits des Forêts 2025
La route devient chemin, puis elle se transforme en sentier.
Suivant les saisons, la forêt est sombre et accueillante, ou légère et clairsemée.
Suivant l’heure, le bruit de la circulation parvient à mes oreilles.
La densité du feuillage vibre. Les talus foisonnent. Les haies et autres herbacés valsent et murmurent.
Ce bout de forêt appartient à J.
Avec lenteur et assiduité, la châtaigneraie est devenue un repère pour moi, pour eux, pour nous.
Comme un membre de notre famille au tronc élargi.
Dans un premier temps, elle est utilitaire.
Ici: ils abattent, ils fendent, ils coupent, ils débitent, ils chargent, ils rangent.
Un travail manuel et masculin principalement.
Au fil des années et des générations, ce brin de terre nous a enraciné.
Rituel de marche, prétexte pour le dessin, refuge de silence et de solitude, espace retrouvé d’intimité.
Un été juste avant un grand voyage, la châtaigneraie avait été dévastée.
Souches arrachées, troncs fendus, branches éparses, les sentiers n’avaient plus les mêmes tracés.
Les arbres n’avaient plus les mêmes contours. Le silence du chaos gouvernait.
J’avais pris mon carnet. J’avais dessiné le déluge, immortalisant la beauté sauvage du bois ravagé.
Un automne, je m’y suis retirée pour attendre, et entendre, le décès de ma grand-mère.
Sur ce dévers, j’ai vu l’accident absurde de mon grand-père.
Ses sous-bois sont joie et émerveillement.
Cependant, son charme fragile et éphémère referme en ses eaux stagnantes la peur: celles de perdre des êtres qui me sont chers.

